Il
y a des silences qui ne trompent pas.
Celui qui règne dans le hall d’accueil
de la Maison Saint-Joseph, à Jasseron, est
de ceux-là.
Dans cet Établissement d‘hébergement
pour personnes âgées dépendantes
(Ehpad), comme dans de nombreux autres du département,
la vie normale tarde à reprendre son cours.
L’allègement
des restrictions sanitaires et l’avancement
de la campagne de vaccination n’y font rien
: le taux d’occupation des Ehpad tarde à
retrouver son niveau d’avant la crise sanitaire.
Dans l’Ain, ce dernier était en moyenne
de 81,4 % le 31 janvier dernier.
«Certains
établissements du département ont été
touchés dès le début de la crise
sanitaire et ont ainsi pu accueillir à nouveau
des résidents il y a quelques mois de cela,
témoigne Dominique Gelmini, le directeur de
cet établissement pour seniors situé
à quelques kilomètres à l’Est
de Bourg-en-Bresse.
Nous, on a été touchés il y a
quatre mois. Entre décembre et janvier, on
a eu au total 25 décès, dont trois le
même matin.
Pour les équipes, ça a été
d’une violence inouïe. Quand on a commencé
à chercher de nouveaux résidents, on
s’est aperçu que les listes d’attente
étaient très réduites.
On peine vraiment à retrouver du monde. »
Jusqu’à
20 chambres libres en janvier
À la Maison Saint-Joseph, 7 lits, sur les 105
que compte l’établissement, attendent
encore de trouver preneur.
En service mercredi 21 avril, Lola Parache, infirmière,
pousse la porte de la chambre n° 128.
Point de nom sur le palier, point de décoration
à l’intérieur, point de photos
sur les murs.
La pièce est déserte depuis des jours.
« On a eu jusqu’à 20 chambres libres
en janvier. Ça va un peu mieux maintenant,
mais il y a toujours de la place. En dix ans de carrière,
je n’ai jamais connu ça. »
Une situation délicate qui pose la question
de l’équilibre budgétaire. Dominique
Gelmini se veut rassurant : « Ici, on a toujours
géré en bon père de famille.
On a de quoi tenir. Le soutien financier et logistique
de l’État, de l’Agence régionale
de santé (ARS) et du Département a été
à la hauteur. »
Suffisamment pour maintenir le même niveau de
service au sein de l’établissement.
« On n’a pas supprimé d’emplois.
Toutes les animations ont été maintenues,
assure le directeur de l’Ehpad. On a gardé
les équipes en place, car dans ces moments
difficiles, les résidents ont besoin d’être
plus entourés. »
Lola
Parache, l’infirmière, confirme : «
La baisse du nombre de patients nous a permis d’être
plus présentes à leurs côtés.
Mais aujourd’hui, quand on voit des lits vides,
on s’inquiète car on se dit qu’à
la longue, on peut perdre des budgets et peut-être
des postes. Il y a cette crainte. »
«
Les choses devraient rentrer dans l’ordre »
Muriel
Luga-Giraud, vice-présidente du Département,
en charge des Affaires sociales
« Les trois vagues de Covid ont fait de nombreuses
victimes dans les Ehpad. Malheureusement, ce phénomène
fait qu’aujourd’hui, il y a plus de disponibilité
dans ces établissements. Mais la vaccination
est porteuse d’espoir. Il y a des listes d’attente,
des personnes qui attendent pour être admises.
Le taux d’occupation va fluctuer et les choses
devraient rentrer dans l’ordre dans les mois
à venir.
Dans
l’Ain, plus de 90 % des seniors sont maintenus
à leur domicile.
Dans le cadre de notre politique, des dispositifs
d’accompagnement ont été mis en
place dans le but de respecter le souhait des personnes
qui veulent rester le plus longtemps possible chez
elles.
Cela explique pourquoi il y a eu autant de personnes
touchées dans les Ehpad.
Les résidents sont de plus en plus âgés,
de plus en plus fragiles, avec des pathologies parfois
lourdes.
Toutes ces raisons font qu’on attend avec impatience
la réforme des Ehpad.
Il y a une réflexion de fond à avoir.
Il faut vraiment que l’ensemble des organisations
soit adapté. »
Repères
Ehpad
: qui paye quoi ?
Le financement des Ehpad repose sur trois ressources
: le budget « soins », versé par
l’Agence régionale de santé, engage
des crédits de l’Assurance maladie afin
de financer le personnel soignant et les équipements
médicaux.
Le budget « dépendance », financé
majoritairement par les Départements et en
partie par les résidents, sert aux prestations
d‘aide et de surveillance des personnes âgées
en perte d’autonomie.
Le budget d’hébergement est à
la charge du résident qui, en fonction de sa
situation financière, peut percevoir des aides
publiques.
4,3
millions d’euros d’aides pour les Ehpad
de l’Ain
En Auvergne Rhône-Alpes, 53, 2 millions d’euros
ont été versés en 2020 par l’Agence
régionale de santé (ARS) et la Caisse
nationale de solidarité pour l’autonomie
(CNSA) pour compenser les pertes liées à
l’hébergement et permettre à 912
structures de continuer à avoir les ressources
nécessaires pour fonctionner normalement. 61
maisons de retraite médicalisées ont
été aidées dans l’Ain,
ce qui représente une enveloppe de 4,3 millions
d’euros.
Pierre-Yves
Royet |